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Fours chapitre 3

four massif des bauges

Tout un sensemble d'usages déterminent comment "faire au four".

La première chauffe nécessitant plus de bois, il va falloir réserver le four....Mais il faut trouver du bois et utiliser des outils. Puis il va falloir mettre au levain, puis cuire le pain....

Tout cela s'est perdu avec le développement de la boulangerie mais aujourd'hui on assiste à un véritable renouveau.

Faire le pain au four

Propriété - Le bois - La chauffe - Les outils - Pain et levain - Cuisson

surveiller cuisson du pain
  • La propriété des fours

La modification des charges liées aux fours, ainsi que de la part du pain dans le régime alimentaire ont fait évoluer leur statut.
Après la révolution, l’utilisation du four est devenue très démocratique, chacun chauffe alors le four avec son bois et cuit son pain. Apparaissent alors de nombreux fours privés à proximité des fermes isolées. Pour les fours collectifs la propriété est alors déterminée par l’usage : au Noyer en 1849 l’inventaire des biens immeuble de la commune nous dit que « le four du hameau du Buisson est à l’usage du village » il en est de même pour celui du crêt ; « le four du hameau de le Perrier sert au village » ainsi que celui du hameau de la Ville. Les fours appartiennent à ceux qui les utilisent et les entretiennent.
Plus proche de nous, en 1976 l’ancien fournil d’Ecole a été transformé en boulangerie biologique utilisant un levain naturel et les eaux de sources.
A Saint Jean d’Arvey un four ayant brûlé en 1980, le conseil municipal a alors décidé de restaurer ce four, et d’assurer les 7 fours de la commune et s’est engagée à les entretenir. C’est ainsi que les 7 fours privés (à l’usage des hameaux) sont devenus communaux.

  • La réservation du four

A Saint Jean d’Arvey, la clé du four (four fermé) était gardée par l’habitant le plus proche et on « faisait au four » toutes les semaines ou tous les quinze jours. La veille on se mettait d’accord et on marquait sur la porte du four le nom de la famille, le jour et l’heure ou elle cuisait le pain. Selon les habitudes des villages, on peut aussi placer une planchette nominative, une fascine ou tout simplement prévenir les voisins au gré des rencontres de la journée. (source: le Sangerain)

  • Le bois

Il était pratiquement le seul combustible. On l’utilisait pour tout : charpente, meubles, outils. Avec l’augmentation de la population et l’apparition des industries grandes consommatrices de bois (métallurgie, papeterie…), il est devenu rare et cher. On utilise alors les fascines ou fagots résultant de la coupe de broussailles ou taillis sans grande valeur.
A Saint Jean D’Arvey certains habitants possédaient des forêts, d’autres prélevaient du bois dans la forêt communale ou le volaient chez le marquis de Chaffardon. Au hameau du Nivolet les branches étaient coupées avec leurs feuilles qui servaient d’abord à nourrir les moutons durant l’hiver avant d’être utilisées au four. Lorsque le bois est prélevé dans les forêts communales, on parle de droit d’affouage. Les droits d’affouage d’origine féodale existent toujours dans certaines communes comme à Puygros et confèrent à chaque habitant une parcelle de forêt qu’il peut exploiter.

  • La chauffe

Un tour de rôle était effectué pour la première chauffe nécessitant une quantité de bois plus importante que pour les chauffes suivantes. Tout d’abord, il convenait de derhumer le four c’est à dire de le chauffer lentement pour que l’humidité, principale ennemie des fours, s’échappe sans risque de faire éclater les joints. Effectuer une bonne chauffe est un art difficile, il faut déplacer les braises afin que le four chauffe de manière uniforme.

  • Les outils

Pour remuer les braises puis les sortir du four on utilise le râcle, grand crochet de fer recourbé et placé au bout d’un long manche. L’écouvillon sert à nettoyer le four après avoir enlever les cendres. C’est un chiffon au bout d’un manche que l’on trempe dans l’eau. On l’appelle en patois « la pana ». Les pelles à enfourner ont des formes diverses en fonction du pain que l’on cuit. Aujourd’hui pièces de collections les pétrins étaient un outil indispensable au façonnage de la pâte. Enfin, les pannetons, paniers en osier recouverts d’une toile, servaient à laisser lever la pâte.

  • Le blé 1777

Dans les Bauges, pendant la seconde guerre mondiale, la culture du blé s’est intensifiée parce qu’une partie était réquisitionner par l’occupant. On en conservait en fraude. A Saint Jean d’Arvey. Une fois par mois, on descendait la nuit par 4 chemins différents à Saint-Alban-Leysse pour aller chercher la farine au moulin situé sur la Leysse. On posait les sacs avant de vérifier que les Allemands ou leurs amis n’étaient pas là puis on entrait. Le meunier n’était guère apprécié par les habitants car il se débrouillait toujours pour détourner quelques kilos de farine. (source: le Sangerain)

  • Le penchant au vol du meunier

« Il paraît que pour monter au ciel, chacun doit grimper une corde. Un jour, deux artisans se présentent : un huilier et un meunier. Le meunier passe en second mais n’arrive pas à grimper parce que le premier, avec ses mains pleines d’huile, a rendu la corde glissante. Un voisin, farceur et compatissant, crie au meunier : - Si tu ne peux pas grimper, vole ! - Depuis lors, le meunier et ses confrères suivent ce conseil… » ( almanach du vieux savoyard, 1972) 

  • La fabrication du pain

Pierre Delacrétaz nous dit que « l’histoire de l’homme (occidental), c’est l’histoire du pain. A cette nourriture de base, principe même de la vie, tout est lié : politique, économie, défense… » D’abord cueilleur de graminées, l’homme a su apprivoiser les céréales. Mais pour faire des galettes, il a fallu d’autres innovations comme le moulin mais ce n’est pas encore du pain la pâte n’étant pas levée. La découverte du pain a certainement été fortuite grâce à l’oubli d’un morceau de pâte qui a commencé à fermenter avec des levures « sauvages »et que l’on a quand même fait cuire. Mais la pâte levée nécessite d’être cuite dessus et dessous d’ou une nouvelle innovation le four. En suisse en à découvert certainement le pain au levain le plus vieux d’Europe remontant à 3560/3530 avant J.-C

  • Mettre au levain

Les levures sont des champignons unicellulaires qui ont besoin de sucre pour se développer. Le sucre de la fécule est transformé par fermentation en alcool et en gaz carbonique qui sous l’effet de la chaleur se dilatent et cherchent à s’échapper créant les cavités de la mie.Le levain a été longtemps fabriqué par les familles : on mettait une boule de pâte avec un peu de gros sel dans un pot de terre vernissé que l’on entreposait à la cave. La veille de la fournée on prenait cette pâte à laquelle on ajoutait 2 Kg de farine et un peu d’eau. On pétrissait et on laissait lever jusqu’au lendemain. On appelait cette opération mettre au levain. Le lendemain on « empâtait » c’est à dire que l’on pétrissait de manière à emprisonner de l’air dans la pâte. Puis on découpait cette pâte que l’on mettait à lever dans les bannetons. Enfin, on mettait à cuire. Parfois on se passait le levain de famille en famille.

  • La cuisson

En général ce travail était réservé aux hommes. Tout d’abord il faut évaluer la chaleur du four. On trouve différentes techniques : l’actuelle se sert d’un thermomètre mais avec l’expérience, on peut évaluer la chaleur en fonction de la couleur des pierres qui tendent vers le blanc, une autre méthode consistait à frotter le tisonnier contre les dalles de la voûte, s’il se produit des étincelles, le four était chaud. Enfin, on peut aussi jeter une poignée de farine, cette dernière ne doit ni s’enflammer, ni noircir mais virer progressivement vers le brun.On évacue les braises à l’aide du racle (le râble) et après avoir trempé la « pana » (l’écouvillon ) dans la fontaine, on la passe sur la sole pour enlever les cendres. La fournée peut alors commencer. On utilise une pelle en bois pour déposer les pains mais cela nécessite un bon coup de main pour les mettre la ou l’on veut. On ferme alors la porte. Au bout d’une heure et demie pour des pains de 4 kg, on peut sortir une miche. Si elle sonne creux en la frappant, le pain est cuit. On sort alors la fournée que l’on laissait refroidir.

  • La châleur

Le pain était fait pour 8 à 15 jours et conservé à l’abri de la lumière.On profitait au maximum de la chaleur du four. Après les pains, on pouvait cuire les tartes. On se servait de la chaleur pour faire sécher les fruits ou encore pour cintrer les manches d’outils. Par exemple, on chauffait les ébauches de fourches en frêne afin de les assouplir avant de les mettre dans un moule en bois. Parfois on utilisait le chaud du four pour stériliser le linge ou les plumes des oreillers.

Le renouveau des fours

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    De nos jours

Les fours ont perdu leur importance dans la vie quotidienne à partir du milieu du 19e siècle ( baisse de la céréaliculture familiale, disparition des moulins ) et jusque dans les années trente pour renaître durant la seconde guerre mondiale. Ensuite, ils ont été laissé à l’abandon jusque dans les années 1990 ou un intérêt particulier s’est porté sur ces éléments caractéristiques de la vie du village.
Aujourd’hui, on assiste à renouveau des fours à pain. Peu à peu, ils redeviennent un lieu de sociabilité et de convivialité. Ce lieu retrouve sa fonction de rencontre et d’échange. On se réunissait au four pour faire le pain mais aussi pour discuter d’un règlement d’usage : à l’occasion le four était en quelque sorte l’hôtel de ville paysan. N’est ce point la qu’on délibérait sur les faits et gestes de chacun et que s’exerçait l’opinion publique ?
C’était un lieu ou les femmes se rassemblaient en attendant les tartes. Les bavardages allaient bon train, et c’était aussi un lieu où se vidaient les querelles. . Le four comme la fontaine et le lavoir était symboliquement et effectivement le cœur de la vie des communautés villageoises. Un lieu de rencontre, un des points forts du village, avant d’être un ornement puis de redevenir un lieu d’échange.
De plus en plus de fours sont rénovés par les communes ou par des associations. Ainsi, face à la mondialisation de l’économie et de la culture, on recherche une identité culturelle. Les communes organisent des fêtes du pain. Les bénévoles font cuire les pains, tartes et quiche avant de les vendre au cours de ces fêtes publiques. Dans les Bauges les communes de Curienne (14 fours), Thoiry (7 fours), Vérel Pragrondran (3 fours), Puygros (6 fours), Saint Jean d’Arvey (7 fours), les Déserts (4 fours), la Thuile (8 fours)…………sont les plus actives. Le parc des Bauges a édité une note en 2001 en faveur de la rénovation des fours. Elle préconise le type de matériau à utiliser pour des rénovations au plus près des anciens fours de village.

Références

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Aux archives départementales de la Savoie : communes de la Compote, du Châtelard, d’Ecole-en -Bauges, de Jarsy, du Noyer, de la Motte-en-Bauges.

Les fours à pain autour du Lac du Bourget. Per 1007.Archives départementales de la savoie 2002. 23p

Delacrétaz Pierre : « les vieux fours à pain », 1993

Poitrineau Abel : « le four à pain sous l’ancien régime »

Gex François : « les Bauges, chemins et vie d’autrefois », 1996.

PNR des Bauges : « les fours à pain », 2002, 2 feuillets.

Caue : conseil d’arhitecture et d’urbanisme et de l’environnement, BP 1802, 73018 Chambéry cedex.

SDAP : service d’architecture et du patrimoine, 1 rue des Cévennes, BP 1131, 73011 Chambéry cedex

Le Sangerain: magazine de la commune de saint Jean d'Arvey